Back again!

Publié le par Benjamin DURIEZ

Après un temps de silence, je me remets en selle pour donner quelques nouvelles.

Rentré au Cameroun le 17 juillet, je voyage sans encombres (et oui, le train ça fonctionne!) jusque Maroua pour être à temps à la fête de départ d'Armelle et Arnaud. Et oui, le relais est transmis, nous aurons 2 nouveaux volontaires à accueillir  (Fleur et Timothée) en septembre. Espérons que nous leur ferons découvrir les joies de l'Extrême Nord aussi bien que nos prédécesseurs.

En ce qui me concerne, le retour a été dur car ce n'était pas forcément simple de vivre un nouvel arrachement et l'atterrissage au Nord a été violent : crise de palu tenace qui a nécessité 3 jours de perfusion après un premier traitement. Mes veines s'en souviennent. Pas facile non plus de revenir dans le travail mais à présent tout va bien, j'ai même retrouvé mon "apprenti" Joseph. Je découvre les joies du management et de la formation : j'aime ça mais c'est de la patience. Heureusement, ici j'en ai à revendre. Beaucoup s'en étonnent d'ailleurs car paraît-il je dépasse même les Camerounais!

Pas facile non plus le retour dans la case : la saison des pluies est arrivée doucement doucement. Il pleut chez moi lors des gros orages. J'en avais parlé en disant que je trouverai une solution une fois réellement face au problème. C'est maintenant. J'ai acheté du "collant", j'ai repéré les zones où cela goutte. Mais mon voisin me dit qu'il faut que la tôle chauffe pour que cela adhère correctement. Donc je ne pourrai le mettre qu'en fin de saison des pluies, c'est malin! Alors, à la camerounaise, j'ai juste déplacé mon lit dans un coin sûr (j'ai réinstallé la moustiquaire). Comme quoi, on devient vite habitué aux compromis.
Pas facile encore le retour dans cette case... Et oui, mauvaise nouvelle : Yaouba, mon colocataire a quitté Mouda pour Douala. Il y a décroché un emploi dans son domaine (l'agro-industrie) et pour un salaire près de 5 fois supérieur. Ben oui, ça paie pas forcément le social, surtout au village! J'ai des nouvelles fréquemment, il a déjà vécu là-bas étudiant, mais beaucoup de gens, l'atmosphère paisible lui manquent. Je pense souvent à lui en me couchant, j'étais "chez lui", me voilà vraiment "chez moi". Un peu seul. Heureusement l'autre Yaouba, le "sourd" (car directeur de l'école pour déficients auditifs), continue à prendre ses repas à la maison.

J'ai fait mille choses en France et je reviens, pensant trouver le village à l'identique. Mais non! Que de micro-changements.
D'abord, véritable tragédie car le gérant du bar le Survoltage, mon ami Lazare est retourné avec sa famille dans son sud natal du jour au lendemain. Où boire mes "33" format 65cL?? Et bien, auparavant je devais traverser la route goudronnée pour me désaltérer, maintenant mon voisin Yaya le boiteux a ouvert un bar. Il a installé un frigo, une sono, propose la bière un rien moins cher. J'étais soufflé devant tant de chambardements! Et le Survoltage qui fonctionne encore est soudain devenu à mes yeux un lieu complètement has-been! Les soirs de marché, pas la peine d'essayer de dormir tôt, les enceintes crachent à 10 mètres de ma fenêtre de délicieux coupés-décalés ivoiriens à la poésie travaillée. J'ai donc forcément renégocié la répartition de la facture d'électricité. Je profite de ce voisin qui "fait l'argent"... Il me répond toujours quand je prends de nouvelles de son affaire (que j'entretiens allégrement) : "On fonce, on fonce!".
Honnêtement, je suis fier de lui! Pas facile de démarrer ces petites choses quand on n'a pas ou peu fréquenté. Il s'en tire bien et parvient même à proposer un éventail de choix digne de Maroua. J'espère qu'il calcule bien...

Ensuite, au titre des changements encore, le plus notable est le paysage bouleversé. Et bouleversant. J'ai quitté un Extrême Nord assoifé, presque exsangue de 9 mois d'attente de pluies... Celles-ci sont faiblardes cette année mais la nature avait trop soif de renaissance. Ce n'est pas la forêt équatoriale du sud du pays, mais c'est l'herbe partout, les arbres garnis, le mil qui pousse chaque jour, jusque 3 ou 4 mètres. On n'oublie pas que ce manteau n'est qu'un lifting provisoire mais quel choc face à l'aridité passée. Que de boules à manger en perspective!

Au rang des nouveautés mineures :
- tous les Italiens sont en congés, on a mangé à 3 plusieurs fois. C'est agréable.
- on m'a volé la paille tressée qui servait de porte à mes toilettes (ça coûte 500 F.CFA ; Yaouba me dit que vraiment les habitants de Mouda sont des pauvres!).
- ma bailleresse ne me craint plus trop et veut absolument que je boive son bil-bil.
- je vais bientôt avoir un frigo. Le départ d'un couple italien en laisse un libre.
- Thierry a une seconde voiture, un tout petit 4x4 blanc. Plus facile de faire les allers-retours à Mouda dorénavant.
- Jérôme a commencé son projet de pisciculture, les bassins étant finis chez Thierry. Un est rempli et nous aurons du poisson en décembre! Mais pour le reste, l'évolution est stationnaire, Jérôme étant en France et les pluies trop irrégulières pour un bon remplissage.
- une secrétaire doit remplacer Yaouba qui était superviseur des travaux hydrauliques (à partir de septembre).
- l'ingénieur italien qui aide justement l'équipe des forages est parvenu à modifier notre machine grâce à un compresseur. 12 mètres de roche perforée en une journée!! Il y a donc un nouveau forage à la Fondation (pour les bassins de Jérôme à l'origine mais le débit obtenu est trop faible).
- l'électricité après avoir encore été épisodique (coupure à la moindre pluie) s'est stabilisée (enfin!). Un responsable de la SONEL me disait qu'ils pouvaient encore s'améliorer. J'espère bien!!


Pour le reste, le quotidien reprend ses droits gentiment. Les week-ends à Maroua chez Thierry et Martine et leurs enfants adorables, le marché du quartier le mercredi, quelques matches de volley-ball, les visites aux amis. Et la mission...

Je suis content de mon travail, mais un élément est un peu dérangeant. Il s'agit de la lenteur de certains bailleurs de fonds. J'ai déposé plus de 20 dossiers à présent. Certains ont été acceptés et bien nous attendons encore les documents à signer (contrat de subvention). Je ne sais pas si c'est une sorte de laxisme, de manque de respect, d'absence de motivation ou de désintérêt pour leur mission. Mais c'est décourageant, particulièrement pour les populations qui savent que les activités sont
devenues réalisables. Enfin... "on va faire comment?" Mon partenaire, mon entourage, tout le monde me félicite mais à part avoir multiplié les contacts, avoir créé un carnet d'adresses phénoménal, avoir fait connaître la Fondation Bethléem... rien de concret, ou pas comme je le voudrais. Beaucoup d'espoirs et des grands (adduction d'eau, électrification sur une pente favorable). Même les bailleurs de fonds affirment toujours que les projets sont bien montés (je donne vraiment le maximum), qu'ils vont tout faire pour que ça se réalise rapidement. Mais au moment d'agir, on attend. Bien sûr je ne suis pas responsable, mais la situation est un peu lassante.
Je continue cependant, avec fougue, et je me bats actuellement pour un gros projet destiné à l'Union Européenne. La note succincte explicative a passé la première étape, reste à envoyer pour le mois prochain le formulaire complet de demande.

Pour finir, j'ai la visite de Vincent, un professeur d'un Lycée technique de Dunkerque, depuis le 12 août. Il est venu car l'association du lycée, l'Echo du Tam-Tam, est partenaire de la Fondation grâce à ma venue pour un projet d'électrification rurale. On a pas mal travaillé durant son séjour. Il découvre les joies, les lenteurs et la pluie camerounaises. On a rencontré plusieurs fois les villageois motivés par le projet et les choses se dessinent de plus en plus. Manque l'argent...
Je suis impressionné souvent par les idées qui émanent lors des réunions de réflexion, leur motivation, leur engagement. Dire que les Africains sont paresseux est un immense défaut d'observation et frôle l'ethnocentrisme racial. Vincent en arrivant voyait les gens assis, au bord de la route dans l'après-midi. Il se demandait comment ils pouvaient faire pour vivre simplement en attendant. Mais il faut se lever un peu plus tôt pour les voir partir aux champs en brousse, il faut vivre les grandes chaleurs et les fortes pluies, subir quelques palus et oublier que l'école et notre mode de vie en général nous ont offert une manière de penser, d'agir très entreprenante. Ici, peu de scolarisation (c'est faux chez les jeunes aujourd'hui) et de rares soutiens au démarrage d'une activité. Au fond, ils sont juste moins pressés que les blancs. Et Vincent a compris, en ouvrant les yeux et en vivant l'expérience.

J'attends impatiemment le mariage de la nièce de Yaouba sourd ce week-end, puis mon grand frère arrivera début septembre. Voili voilouuuu.
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