Session de rattrapage n°3 - second part -

Publié le par Benjamin DURIEZ

Dernier coup de collier avant de raconter le présent (les photos sont en ligne).

    Le tourisme :
   Je me suis octroyé de droit des vacances pour pouvoir bien m'occuper de ma douce visite. Sophie est là quatre semaines complètes, nous en perdrons au moins une entière dans les transports car nous avions le désir courageux de bouger.

22 - 24 décembre, Rhumsiki - Djingliya :
    Direction "le" passage obligé de l'Extrême Nord, j'ai nommé le pays Kapsiki et ses fameux pics. Dire qu'il y a six mois, je n'avais jamais entendu parler de ces lieux, et me voici en route pour la troisième fois vers Rhumsiki. Je démontre mes qualités de conducteur sur piste et pan! Loin d'une crevaison, c'est le paysage qui explose de majesté, au sortir d'un virage. Tout est encore plus sec qu'à la mi-octobre, la brume vient enlacer un à un les pics volcaniques, les voiler, les révéler et je chavire encore. Ce plateau qui s'offre partout autour de nous, le regard qui se perd éperdument, le vent qui raffraîchit doucement ce soleil de mi-journée brûlante. L'espace et la nature.
    Nous arrivons à Rhumsiki. Je suis étonné, mais les gens se souviennent de moi. Neveu du Père Duriez, ça aide. Ouf, j'évite l'attaque en règle du touriste classique. Je retrouve mes petits guides, nous profitons du restaurant "habituel" et si succulent. Visite au sorcier aux crabes, aux tisserands et descente au coeur de la vallée. Je n'y reconnais rien, ou plutôt je m'y reconnais trop bien. Lorsque nouDSCF0169.JPGs y avions dormi en septembre, le mil était à son apogée, nous marchions aveugles, avec comme seuls repères les gigantesques pics. Et là, immédiatement j'aperçois le saré où nous avions logé, quand nous étions subitement tombés dessus trois mois plus tôt. Retrouvailles avec la famille qui nous avait hébergés, pas forcément chaleureuse... Petits achats. Et retour en haut dans la fraîcheur qui s'installe. Jus de goyave face à une vue surréaliste : piscine bleutée et pic de Zivi. Nous partons à la nuit tombante pour Mogodé et Sophie se teste en conduite sportive. Nous logeons chez le Père Angelo qui nous accueille à bras ouverts. Nous arrivons pour la fête de la pleine lune des Kapsikis et nous sommes le 22 décembre. La chorale de la paroisse a donc une double raison de fêter, malgré le froid mordant de cette nuit illuminée.

     Le lendemain, la route nous appelle à rejoindre la plaine de K
DSCF0224-copie-1.JPGoza. Détour pour admirer l'étendue du barrage de Mokolo. Et me voici toujours sur les traces du périple d'octobre avec le Père Duriez : je subis la route en pierre apparente qui mène vers Djingliya et Koza. Ma copilote souffre de la fatigue, des remous d'une route à l'allure d'océan démonté. Après un soya (viande grillée) au marché de Koza, nous remontons vers notre hébergement. Ma route préférée. La montagne vous embrasse, protectrice, noble, sculptée de fines terrasses. La piste serpente, vous fait pénétrer l'intimité des sarés si particuliers des Mafas qui jouxtent le chemin. Repos et promenade de monts en monts pour profiter d'un coucher de soleil romantique.


27 - 30 décembre, Lac Tchad - Parc de Waza :
    Deuxième périple, vers un site naturel en perdition. Nous faisons sans encombre la route, en roulant littéralement à tombeau ouvert. Un pied est déjà dans la tombe vu l'allure. Le chauffeur loué pour l'occasion survole le goudron, la piste, les flaques de sable, les crevaisons. Nous arrivons néanmoins à Blangoua, où nous logeons chez le père Sisco, un Espagnol cette fois, regardant une télénovela vénézuélienne affreusement mal doublée. Il affectionne en réalité la chanson du générique en espagnol. Il vit seul, presque sans fidèles dans cette fin du monde absolue. Nous avons pu observer le long des 350 km du trajet les changements de végétation, l'assèchement soudain de l'air, du sol. Le Sahel se fait véritable. Le désert entrebaille la porte. Les maisons sont déjà la réplique de celle du Tchad, les arabes Choas sont majoritaires, vêtus des gandouras, enturbannés pour se protéger de la poussière. Quel dépaysement. Le fulfuldé ne circule plus guère. Nous organisons avec peine l'escapade du lendemain vers le lac. Quelques heures de pirogue motorisée pour gagner Kofia, le Dunkerque local, la fin du Cameroun. Mais pour cela, il faut s'enregistrer à la police, subir la corruption en feignant tout de même celui qui ne comprend pas qu'il doit payer le fonctionnaire pour le laisser-passer, négocier la pirogue (la peau blanche doublera le tarif). Résultat, nous savons d'ores et déjà que nous n'aurons pas assez d'argent pour payer immédiatement le chauffeur. Pas ravi ravi. Levés très tô
DSCF0281.JPGt, habillés chaudement, nous voguons à vive allure sur le fleuve Chari, frontière avec le voisin tchadien. Et soudain, l'horizon s'élargit pour céder la place au lac. Que d'eau, que d'eau!
    Mais pourquoi diable tout le monde parle de son extinction imminente? Il y a 35 ans, Blangoua donnait sur le lac, aujourd'hui, il faut 2 heures pour l'atteindre. Et nous constatons la réalité... Il n'y a pas plus d'un mètre et demi de profondeur. La terre remporte les dernières victoires pour effacer ce lieu de vie. La faute à l'activité humaine, ici et au Nord avec la pollution. Que deviendront les populations frontalières, celles desservies par les fleuves?..
    Nous visitons enfin Kofia, son isolement et Sophie a beaucoup de succès avec une kyrielle d'enfants à ses trousses.

    Nous rejoignons le soir-même l'entrée du Parc Waza, où nous attendent Thierry, Martine, Jérôme et tous les enfants de l'orphelinat Daniel Brottier. Sophie est depuis son arrivée accueillie comme un membre de la famille, et les voir nous apporte une joie profonde. Ils sont déjà entrés dans le parc et ont pu observer des girafes. Nous les y accompagnerons le lendemain matin en espérant les éléphants. Et bien, petite déception car nous ne voyons que volatiles (très colorés), singes, damalisques, gazelles et une girafe camouflée, éloignée et de dos. Le Cameroun n'est pas non plus le pays phare pour ce genre d'excursion, surtout après être allé en safari au Botswana. Je mets quand même par plaisir les photos prises par Jérôme la veille et ce jour-là.


5 - 12 janvier, Pouma - Lobé :

   DSCF0060-copie-1.jpg Nous quittons l'Extrême Nord avec regrets, encore par train, mais là, aucun problème car nous sommes à Yaoundé dès 11 heures le lendemain. Direction immédiatement Pouma. Personne ne connaît au Cameroun, il s'agit d'un petit village perdu entre Douala et Yaoundé, au bord de l'axe lourd (la route la plus meurtrière d'Afrique Centrale), une autoroute à 2 voies, que l'on assimilerait chez nous à une vague route de campagne. Mais ici, on roule à 120 km/h, en doublant à l'aveuglette. Le but de notre visite est de retrouver un couple de volontaires, Max et Julie, gestionnaires à l'hôpital catholique. Deux jours tranquilles, dans la verdure et la moiteur de la forêt équatoriale. Il y a aussi Stéphane, volontaire à Makak, proche en distance, mais éloigné des axes routiers. Nous profitons de la verdure, de l'accueil chaleureux.
    Ensuite, direction Kribi, la Côte-d'Azur locale. En plus préservée, en plus exotique, en plus verdoyant. Nous logeons précisément à la Mission Spiritaine située à côté des Chutes de la Lobé, un rien plus au sud. Un bonheur. Crevettes au coucher du soleil sur la plage, longues baignades dans une mer délicieuse, face aux chutes. Spectacle inoubliable. L'écume se dégage au loin, le fleuve tombant droit dans l'Océan Atlantique. Nous goûtons à l'ambiance de ce petit village de pêcheurs, loin de l'agitation Cameroun--janvier-2008-270-copie-1.jpg
touristique de Kribi. Nous faisons une nouvelle longue balade sur le fleuve, entourés de forêt luxuriante, en direction d'un village de pygmées. Déception prévue et confirmée car rien ne restera de cette rencontre. Nous étions respectueux, curieux de leur mode de vie, au coeur de la végétation. Nous avions prévu des présents (tabac, sel, riz, savons). Nous avions aussi le vin de palme, mais celui-ci, à cause de l'intense fermentation, nous avait explosé dans les mains la veille au soir, imprégnant la chambre des murs au plafond, nos habits, les cours de Sophie, mon ordinateur... Une catastrophe, d'autant plus que les pygmées désirent, vu l'événement malheureux, compenser avec un peu d'argent. Les 2.000 CFA que je tends sont presque refusés car trop faibles vu le nombre d'habitants... Mais qu'y puis-je? Tous ces échanges se font grâce à notre guide jouant l'interprète, et cette situation est très frustrante. Après quelques photos, presque forcées, nous filons. Nous avions pourtant choisi dans un village où la majorité des blancs ne vont pas. Peine perdue, les dégâts du tourisme sont là, la main tendue est habitude, et tue à petit feu ce peuple si unique.


    Les fêtes de fin d'année :
    Ce sont forcément de grands événements. Mais cela commence par celle des musulmans, avec le mouton, appelée Tabaski ici. Encore une fois, les religions se mêlent. Nous ne la vivrons que de l'extérieur à cause du retard initial du train.
    Noël :
    La ferveur lors de la messe de minuit, précisément célébrée à l'heure exacte. L'église de Zouzoui est pleine, c'est aussi le jour des baptèmes. Les chants sont entraînants, repris par tous. Nous achevons cette veillée au Survoltage, sur des musiques ivoiriennes... seka seka et autre coupés-décalés. Danses endiablées jusque 3 heures. Voilà une partie de la fête de Noël au Cameroun. Mais nous attend encore une surprise à la Fondation : des cadeaux et un accueil très enthousiaste de Marie la soeur togolaise. Même Sophie a un présent... Quelle gentillesse. Et la tradition italienne veut qu'après la messe de minuit, l'on partage un chocolat chaud. Et nous l'avons fait, dDSCF0246-copie-1.JPG
elicioso!
 
   Le 25 décembre, nous fêtons à Maroua, chez Thierry et Martine. Un repas gargantuesque trône sur la table dressée. Nous le partageons avec des amis musulmans. Sophie reçoit encore un cadeau (j'en ai eu de la France, merci à la famille) : un pagne cousu en cachette par Solange, la soeur de Martine. Après avoir mangé tant et tant de victuailles, en route pour les visites! Ca se passe comme ça en Afrique, Noël se fête entre amis et on se rend visite pour se retrouver avec plaisir. Première étape chez Bello, l'aveugle avec lequel je travaille. Malgré sa cécité, il remarque que nous ne mangeons presque rien, notre ventre étant au bord de l'implosion. Il est 16 heures et réclame que nous faisions honneur au poulet, aux frites de plantain, aux biscuits, au pop-corn... J'ai beau essayer, il "voit" que je cale et me déclare qu'un jour il me rendra visite en France juste pour refuser ma nourriture!
    Nous finissons la journée chez Armelle qui accueille pendant les fêtes sa famille ; et un dernier verre de 65 cl avec deux couples de volontaires du sud venus pour les congés. Et une petite boite de foie gras reçue par Jérôme de sa famille. Et la fête en dansant traditionnellement au son du djembé dans la cour, à la douceur d'un soir commémoré dans le monde entier. "Il est né le divin enfant" prend d'autres sonorités, d'autres accents, qu'on en redécouvre l'esprit. Sans commerce, avec amour.

Le nouvel an :
    Arnaud étant en France, nous réquisitionnons avec Jérôme et Yaouba sa maison pour y préparer un dîner digne d'un réveillon. Après les courses au marché, nous voilà attelés aux fourneaux, entendant la musique crachée par chaque maison du voisinage. La fête doit être bruyante pour être réussie. Entre deux appels de France, nous préparons du guacamole, un plat de riz avec thon, tomate, oignon en sauce, comté et roulé à la Tartina ® ("faute de maman, on tète sa grand-mère" proverbe africain). Après avoir bien bu et bien mangé, nous nous rendons au quartier central, au coeur de la fête. Il y a des gens sortant de partout, Maroua ne dormira pas cette nuit. Pas de décompte particulier, ce n'est pas parce que c'est le 31 décembre qu'on doit se préoccuper du temps exact... Les gens dansent sur les trottoirs, noirs dans la nuit ivre. Nous partons danser après une longue bière. Je dois me battre fermement pour parvenir à danser avec "ma femme", comme j'affirme ici pour que nous restions un peu tranquilles. Peine perdue, des filles veulent m'arracher, des garçons en veulent après Sophie et ne comprennent vraiment pas que nous désirions restés uniquement ensemble. Exténués de tant d'agitation, il est 5 heures, le lit nous réclame. Et 2008 est bien là pour nous aussi!


    La vie quotidienne :
    Sophie a pu, après les transports, prendre contact avec ma nourriture, les motos-taxis en amazone sans casque, la Fondation Bethléem et la Maison Daniel Brottier. Premier constat, elle a beau avoir fait quelques tresses très jolies, s'être fait cousu des habits magnifiques et seyants, prendre un brin d'accent, elle n'est pas africaine. Et non, car elle ne peut avaler la "boule" sans grimacer. Le "couscous" comme ils disent (s'ils connaissaient celui de la maman d'Abdelhakim, ils arrêteraient immédiatement la confusion)IMGP0795.JPG... Je ne dis pas que ce plat quotidien est succulent, ni même bon, mais ça se mange.
    Elle découvre aussi mon environnement familier, ma chambre, mon bureau, les Italiens qui m'entourent, ma mission... Nous profitons pour faire un peu d'équitation. Une selle pour deux. L'infini pour barrière. Pas de protections. Et je ne sais pas monter. Nous partons tout de même, au pas chargé car ces chevaux ne sortant jamais sont fous de joie de découvrir les environs. Pas facile de les maîtriser. Je me surprends à subir quelques galops involontaires, à la fin desquels je me retrouve parfois assis sur plus haut que l'encolure. Il ne faudrait pas tomber... Blessure probable et fuite du cheval certaine!
    Enfin, Sophie aura vécu de beaux moments - comme j'en vis à chaque fois que je m'y rends - chez Thierry et Martine avec leurs adorables enfants.

    La santé :
    Il est l'heure du bilan à ce sujet après quatre mois. J'ai pu visiter par immense chance et privilège les hôpitaux de Kribi, car là-bas, j'ai été pris de violents maux de ventre et l'envie de visiter fréquemment les toilettes. Le premier hôpital (privé) m'a demandé 30.000 CFA car je ressemblais à un expatrié. J'ai rejoint furieux l'Hôpital Central où j'ai pu bénéficier d'un "tarif" normal! Après analyses, j'avais le paludisme (ils disent tous ça), des oeufs d'amibes, des levures et plus de flore intestinale. Je me soigne, mais ça part difficilement. Un bon lavement sera à prévoir.


    Voilà, j'ai rattrapé mon retard. Sophie est repartie, ravie de tous ces grands souvenirs le 14 janvier. Après deux jours de rendez-vous à Yaoundé, je suis arrivé chez moi le jeudi 17 au soir (voyage sans encombre, le train finalement...).
    A bientôt pour de nouvelles aventures... Si si, vous verrez!

Publié dans Tourisme

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