Little Italy

Publié le par Benjamin DURIEZ

Juste avant le gong... Bonne année 2008!

   Demain soir, je déménage! Je pars de la Fondation Bethléem où je loge depuis 5 mois (à 4,5 mètres de mon bureau et 7 mètres du réfectoire). Je pars vivre au village de Mouda, je saute la barrière, je prends la courte piste menant au goudron et 10 mètres avant celui-ci, c'est la maison en béton à gauche. Je vivrai avec Yaouba Sikoua, superviseur des forages de l'unité Hydraulique (j'en ai parlé lors de notre week-end à Garoua). Il a 32 ans, père d'une petite fille de 6 ans d'une première relation échouée. Il est Guiziga, originaire de Moutourwa. Et Camerounais!

  Cette précision est importante... Sans trop m'épancher, je vais vous raconter mes petites misères quotidiennes.
   La Fondation est un endroit merveilleux, irréel dans cette terre d'Afrique tellement en difficulté. Il y fait bon vivre, la nourriture est excellente, le coucher délicieux, l'eau abondante et le confort... européen. J'avais été surpris à mon arrivée de tant de choses. Tous les jours je reste stupéfait devant ces lieux, si propres, si bien aménagés. Mais voilà... je suis parti en Afrique et je me retrouve en Italie. En effet, mis à part Jérôme et Thierry de passage chaque semaine, je suis le seul Français au milieu d'une dizaine d'Italiens (quand nous sommes peu nombreux). En décembre - janvier, nous étions à chaque repas plus de vingt. Vingt blancs, en vacances, en semblant de mission, dont beaucoup d'amis de passage qui polluent l'esprit des enfants en leur offrant des bonbons en permanence. Alors forcément, moi, pauvre volontaire, je ne peux rivaliser devant tant de largesses débonnaires. Et certains enfants me réclament à présent aussi des cadeaux. Mais gamin, je vis ici, sans argent superflu, je travaille pour que ton avenir ne s'assombrisse pas, alors tu me désespères! Heureusement, la plupart se précipite "gratuitement" dans mes bras. Quand même...

    Cette foultitude de blancs de passage me met mal à l'aise. On ne sait jamais ce qu'ils viennent vraiment faire, et je me demande toujours ce que pensent les Camerounais qui, au bout d'un moment, doivent se dire que nous sommes interchangeables. Déjà que nous sommes surnommés "les gens d'en haut". Alors j'ai décidé de me marginaliser. Et de descendre!

    Ensuite, le problème le plus important... La solitude. J'en ai passé des repas (encore un ce midi d'ailleurs) à ne pas dire un mot à quiconque. Je les comprends, ils sont tous italiens ou italophones alors ils parlent leur langue. De mon côté, je ne parle pas italien et je n'ai plus du tout envie d'apprendre. Bref, pendant les repas, je me morfonds, entouré de blancs, à manger des pâtes midi et soir (je suis sérieux!), complètement déconnecté de la réalité africaine. Qui est là pourtant. Et pour ne pas être dérangés, nous fermons à clé la porte du réfectoire, car il arrive parfois qu'une des folles viennent réclamer un bout de pain. Je suis anéanti face à ces comportements, très égoïstes, et venant des religieuses (ils ne sont pas tous comme ça non plus ici). Alors, perdu dans mes pensées à la fin du mois d'octobre, j'ai eu l'idée (qui se concrétise) de partir loger et manger ailleurs.
    Pas facile ces journées entières passées à travailler seul, à seulement aller de ma chambre au bureau ou au réfectoire... Allez c'est fini pour la complainte.
    Je pense que s'ils avaient tous étaient Français, je ne me serai pas rendu compte si vite du problème. Et je passerais probablement à côté de cette expérience exceptionnelle.


    La vie qui m'attend sera bien plus difficile sur un plan matériel. Plus d'eau, plus de douche (seau), plus de toilettes (trou), à deux dans la "chambre", sans mobilier. Je devrai acheter ma nourriture avec mon indemnité (actuellement, elle me servait uniquement pour le tourisme), payer ma part du loyer, des charges. Subir les aléas climatiques plus vivement. Et une vie sur une autre planète, enfin! A moins de 50 mètres de l'entrée de la Fondation. Ce "déménagement" est si rocambolesque! J'ai déjà mille et un projets, pour améliorer mon quotidien (frigo en creusant dans le sol, cuvette des toilettes en bois), pour faire des choses que je ne suis pas sûr de faire en France (cultiver des salades, élever des chèvres, constituer un GIC (Groupement d'Intérêt Collectif) avec Yaouba et un autre Yaouba pour devenir peut-être exploitant d'un moulin à Moutourwa et améliorer mes revenus (pour les 2 compères, il s'agit de commencer à gagner de l'argent pour la dot!)).
    Je pense que ma coopération va vraiment commencer. Ce sera dur, il faudra se méfier des "amis" qui veulent l'argent du blanc, des voleurs. Je publierai des photos de mon nouveau "chez moi" ou plutôt "chez nous"! Je connaitrai enfin le Cameroun, mon village, ses difficultés. Je travaillerai moins aussi car fini l'hôtel! Chaque soir, la cuisine et tout le reste.

    Yaouba et moi vous invitons chaleureusement! Armelle a déjà répondu présente et arrive vendredi soir. Coq au menu (offert à Yaouba lors d'un déplacement sur un forage en brousse).

Publié dans Vie quotidienne

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