Naange don!

Publié le par Benjamin DURIEZ

Du soleil, y en a!

    Je suis désolé de ne donner que peu de nouvelles. Il est difficile de se détacher du tourbillon quotidien pour faire le point, surtout par écrit. Et comme ma mission est assez informatisée, j'évite d'enchaîner des journées de labeur devant l'écran par des soirées devant... l'écran.

    Mais je vois que les gens visitent ce blog. "Tiens aurait-il enfin mis quelque article?" ou "C'est joli le Cameroun, si je prenais des vacances!". Je ne sais pas du tout ce que vous pensez, mais j'apprécie franchement cette attention anonyme. Et je ne voudrais pas être trop ingrat. Alors nouvelles!

    Commençons par le mois de février. J'ai eu quelques événements marquants en plus de mon déménagement. Les volontaires DCC de l'Extrême Nord furent conviés au mariage d'une des leurs avec un autochtone. Catherine et Moumini ont échangé catholiquement leur consentement ému le 16 février à Garoua. La veille ils s'étaient unis selon la tradition musulmane, puis civilement. Et oui, ce mariage est réellement un échange, un bel échange. Le tour de la ville à l'arrière du pick-up, les saluts des gens, la soirée, tout fut bien organisé et j'ai passé un bon moment. Ils rentrent en France au mois de juin, je souhaite plein de courage à Moumini chez nous, pour une nouvelle vie.

    J'ai passé un week-end dans la ville d'origine de Yaouba, à Moutourwa, sous-préfecture. J'ai logé dans le saré de sa famille. Son père était lamido, soit chef traditionnel. Bref, j'étais dans la famille royale. L'accueil a été bon, mais perturbant car je fus observé en permanence par de nombreux enfants, en particulier aux toilettes et sous la douche! Il est toujours déroutant de se déplacer à peine et de se faire rappeler à combien on est un étranger, un ovni. Il y avait le dimanche, outre une messe à rallonge par un docteur en théologie nous sermonnant plus d'une heure et demie avec traduction, la fête de la chasse. C'est une grande fête pour les gizigas. Les hommes partent en brousse chasser, reviennent avec leur gibier (peu prolifique) et dansent fièrement. Mais cette ethnie a une danse bien caractéristique : sans bouger les membres inférieurs ils remuent rapidement et par brèves saccades les épaules. Ils sont en mode vibreur. J'ai beaucoup amusé la famille en les imitant.

    J'ai un peu oublié mes activités extra-professionnelles du reste du mois. J'ai commencé à découvrir la vie du village, du "quartier". Peu d'intimité, beaucoup de séries américaines, de coupé-décalé, des immondices, des kyrielles d'enfants. Le froid. Khaïa sababou! En février, impossible de se doucher le matin et le soir.

    Puis vint le mois de mars. Et sa chaleur, grimpante, rampante. 40°C à l'ombre est un minimum. Dans ma chambre, c'est une fournaise. Mais je supporte assez tranquillement, et dévêtu dès que la décence de l'intimité de ma case le permet.
    Ce mois a vu s'achever l'année des apprentis du CFAM auxquels je donnais le cours d'économie familiale et de projet. J'ai fini l'année par une séance de réponses à leurs questions sur tout sujet : la France, le mode de vie occidental, la religion, et j'ai même raconté l'histoire de la terre et de la vie (selon Darwin, puisque des gens 
doutent de ça). Ils n'apprennent cela qu'au collège, inaccessible pour beaucoup. Alors, la Génèse est
parole d'Evangile, sans faire de mauvais esprit (- Saint! hohoho!). J'ai aussi organisé une interrogation écrite, donnant des résultats aussi contrastés que le niveau des élèves (d'analphabètes à lycéens en passant par sourds)... Parfois désespérant, en tout cas je vois comment améliorer le cours.
    L'année du CFAM a été conclue par une journée festive avec olympiades. Et le soir, spectacles. J'y ai pris part en produisant enfin mon numéro de sorcellerie. Un grand moment!!! Les absents ont eu tort. Au bilan, un enfant s'est retrouvé avec 3 machettes enfoncées dans le corps et un autre coupé en 2 sauvagement! Le tout entrecoupé de danse des esprits, de bil-bil magique, avec la participation du public. Les enfants ont eu peur, les sourds se demandent toujours ce qui s'est passé et au village j'ai enfin un nom différent de "nassara".

    Je 8 mars fut célébré massivement la journée internationale de la femme. Leur situation est effectivement difficile, notamment à l'Extrême Nord : cuisine, enfants, champs, puits, petit commerce, éducation, santé... violences. Savoir gérer sans moyens superflus. Chaque année un pagne spécial est édité (comme à chaque fête - quelle réussite commerciale!) ; celui de cette année était p articulièrement laid mais les femmes sont fières de le porter. Des défilés (encore!!), des débats sont organisés sur le thème annuel qui était les activités génératrices de revenus. Il paraît qu'elles ont décidé de faire un restaurant à Mouda. Je suis pour! mais j'attends dubitatif l'hypothétique réalisation.
    J'ai aussi profité ce week-end pour grimper la montagne Maroua et découvrir une vue imprenable de la ville, de cette oasis en pleine plaine désertique. Maroua est plantée de neemiers, donnant une ombre agréable. Vu de haut, cela frappe le regard et chaque quartier apparaît, une grande rumeur monte dans la chaleur. Vous pouvez avoir la même vue en utilisant Google Earth et en cherchant Maroua, vers le Lac Tchad. Si vous connaissiez un peu, vous verriez même la Maison Daniel Brottier, l'orphelinat de Thierry.

    Le week-end suivant je suis parti au lac Maga. Coucher de soleil, balade en pirogue sur l'eau à un niveau très bas, jusqu'au repaire des hippopotames. Poisson braisé le soir. Visite de la fameuse case-obus, un habitat traditionnel en terre crue et peint mais abandonné depuis 1920. Et rappel bourdonnant d'une vie avec moustiques.

    Il y eut Pâque. Une fête bien passée, chez Thierry et Martine. Les enfants ont dansé dansé, le mouton fut mangé mangé. Quelques visiteurs, mais trop de chaleur pour faire les tours aux amis. Et les autres coopérants étaient partis dans les Monts Alantika, au sud de Garoua vers le Nigeria (j'irai peut-être bientôt et je vous raconterai). Je devais y aller mais j'ai appris juste avant que le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) visitait la Fondation et j'ai justement un projet d'embouche bovine et de moulins pour eux. Ca devrait être accepté, reste à savoir quand exactement! En tout cas, cela nous permettrait de dégager des bénéfices intéressants et d'augmenter notre autofinancement, chose importante pour la durabilité de l'accueil des enfants.

    Et mars s'est terminé par un week-end très sympathique. J'ai fait la connaissance de Pierre, un volontaire français d'une autre ONG, travaillant sur la création d'u n réseau d'associations locales luttant contre le VIH-Sida. J'ai enfin pris le temps de faire mon marché, alimentaire et textile! Et Stéphane, volontaire de la province du Centre à Makak, revu à Pouma avec Sophie, est arrivé pour 15 jours. Car les congés de Pâque commençaient. Nous l'avons accueilli par un soya dans le quartier animé, avec Yaouba, Armelle et Pierre. Le lendemain, nous étions avec Arnaud, puis à l'orphelinat Daniel Brottier.

    Le jour de ma fête (le 31 pour les oublieux et les ignorants), j'ai rassemblé plusieurs oeuvres sociales privées de la province pour créer le réseau en faveur de l'enfance et concrétiser le partenariat avec l'UNICEF. Les projets sont presque faits, nous espérons obtenir leur accord. Il s'agira notamment pour cette année d'établir 600 actes de naissance pour les élèves n'en ayant pas (sinon, ils ne peuvent être candidats à l'examen d'entrée en 6ème) et de sensibiliser la population au problème de la traite des enfants (la zone est frontalière et ce phénomène d'exploitation terrible).

    Donc oui, en février et mars j'ai beaucoup travaillé : un dossier pour du matériel spécialisé pour aveugles, le dossier PNUD, ceux pour l'UNICEF, un dossier pour 2 salles de classe pour le centre des aveugles, un dossier pour des tricycles et machines à coudre pour handicapés moteurs, et un travail de longue haleine pour l'électrification d'un village voisin. Et d'autres choses... J'apprécie de pouvoir m'organiser, de pouvoir décider (au moins proposer) les projets de la Fondation.

    Je poursuis mes cours de fulfuldé, je progresse doucement. Je vous informe que je rentre en France du 20 juin au 17 juillet. On se croiserai sûrement, s'il plaît à Dieu! Et je vous enverrai bientôt un mail pour solliciter une aide pour un projet précis : faire venir un chirurgien généraliste camerounais à Paris ou Starsbourg pour un an de spécialisation en orthopédie.

    A bientôt. J'espère plus régulièrement.

Publié dans Vie quotidienne

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article